CONNECTIVITES

CONNECTIVITES
CONNECTIVITES

On désigne par le terme connectivite ou collagénose un ensemble de maladies ou de syndromes qui touchent plus particulièrement certains tissus riches en matrice intercellulaire (tissus conjonctifs). Le terme connectivite évoque un processus inflammatoire (...ite) touchant des tissus conjonctifs et le terme collagénose évoque plutôt des maladies dégénératives des tissus riches en collagène (...ose). Le premier terme est plus correct que le second, car un des facteurs communs aux maladies regroupées sous ce vocable est en effet un processus inflammatoire. Les progrès récents qu’a faits la biologie moléculaire de la matrice intercellulaire ont permis de clarifier la signification de ces concepts.

Historique

Un pathologiste allemand, Klinge, s’est rendu compte, dès 1920, que les maladies rhumatismales étaient caractérisées non pas par l’affection d’un seul organe bien défini, mais par un système de cellules sécrétant une matrice fibreuse, les tissus conjonctifs.

P. Klemperer, aux États-Unis, a repris ce concept et l’a amplifié en regroupant un certain nombre de maladies ayant quelques caractéristiques histopathologiques communes, sous le vocable de «collagénoses». Comme le collagène est le constituant principal des tissus conjonctifs, qui, en outre, avait l’avantage d’être colorable par des méthodes histochimiques, et visible au microscope électronique, on a souvent substitué le terme «collagène» à celui, plus correct, de «tissu conjonctif» ou «matrice intercellulaire». On sait aujourd’hui que cette matrice est composée de nombreuses macromolécules différentes (voir plus loin). D’autre part, il ne semble pas que le collagène soit systématiquement impliqué dans la pathogenèse des maladies désignées par le terme collagénose par Klemperer. Leur véritable lien est représenté par le rôle que joue la matrice intercellulaire, ou tissu conjonctif, dans ces différentes maladies. C’est pourquoi W. Hauss a proposé d’y inclure les maladies vasculaires également. Cet auteur préfère parler de «réaction mésenchymateuse non spécifique» en tant que dénominateur commun de toutes ces maladies. L’école française de rhumatologie, avec F. Delbarre en particulier, a regroupé sous le vocable «connectivite» la plupart des maladies appartenant aux collagénoses, et en particulier les maladies inflammatoires des tissus conjonctifs.

Nosologie

On désigne par connectivites certaines formes de maladies articulaires, comme la polyarthrite rhumatoïde (PR), l’arthrite lupique, le rhumatisme articulaire aigu (RAA), certains rhumatismes inflammatoires, le rhumatisme psoriasique, la spondylarthrite ankylosante. Les grands syndromes classés sous le vocable collagénose comprenaient la maladie lupique (lupus erythematosus disséminé LED), la sclérodermie, la polymyosite, la périartérite noueuse, la dermatomyosite. Il existe des connectivites mixtes comme la maladie de Sharp. Par extension, de nombreux autres syndromes appartenant à différentes classes des maladies rhumatismales sont aussi désignés par le terme de connectivite. La plupart de ces maladies sont d’ailleurs accompagnées par des symptômes articulaires. Certains syndromes, comme celui de Raynaud, de Gougerot-Sjögren, font partie souvent du tableau nosologique. La figure montre, d’après Delbarre, la continuité qui existe entre la polyarthrite rhumatoïde (PR) et la maladie lupique.

Biologie

Les caractéristiques histopathologiques communes de la plupart de ces maladies comprennent la dégénérescence fibrinoïde et la modification plus ou moins importante de la matrice intercellulaire compliquée souvent par des signes inflammatoires. La dégénérescence fibrinoïde est probablement due à des nécroses et à des précipitations de fibrine, modifiée par les phénomènes humoraux et enzymatiques de l’inflammation (protéolyse) et par des phénomènes immunologiques (voir plus loin).

Dans environ 10 p. 100 des cas de PR, on détecte souvent le phénomène LE, fréquent dans la maladie lupique. Il s’agit de leucocytes dont le noyau est repoussé par de gros amas de débris (noyau nécrotique d’autres cellules phagocytées), ce qui donne la cellule de Hargraves. Elle serait le témoin de l’existence d’anticorps anti-ADN, donc nocif au noyau cellulaire, chez ces malades. Les cellules «B» de Heller, rencontrées souvent dans la PR, correspondraient, selon Labrousse et Delbarre, à une cellule de Hargraves dégradée. Ainsi, ce symptôme histologique d’un dérèglement immunologique permettrait de relier ces deux syndromes majeurs des connectivites selon le schéma de la figure. Des formes frontières entre lupus et sclérodermie, entre sclérodermie et dermatopolymyosites ont aussi été signalées; or la sclérodermie est certainement la maladie impliquant le plus sûrement un dérèglement (augmentation) de la synthèse du collagène dans le derme profond et souvent aussi dans les viscères que l’on peut mettre en évidence par microscopie et microscopie électronique.

Les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués ne sont que très partiellement connus. Parmi les modifications les mieux étudiées, il faut mentionner celles du système immun: apparition d’auto-anticorps (dans le LED anti-ADN natif, anti-ARN, antinucléoprotéines, anticonstituants du noyau cellulaire, dans le rhumatisme et ostéoarthrose anticollagène du type II: voir chapitre «collagène»), facteur rhumatoïde, c’est-à-dire anti-IgG, complexes immuns circulants, dépôt d’immunoglobulines dans certains tissus (reins, peau), apparition de cryoglobulines, modifications (baisse) du taux du complément et des signes de l’immunité cellulaire (particulièrement dans le LED).

Clinique

La symptomatique de ces maladies peut être très variée. Les atteintes articulaires, des synovies, des tendons, des capsules conjonctives périvasculaires et périmusculaires, les lésions cutanées sont souvent retrouvées (pour d’autres détails, voir les références citées en bibliographie). Les symptômes viscéraux peuvent être primaires, comme dans la sclérodermie où l’anomalie de la biosynthèse peut concerner pratiquement tous les organes, ou secondaires, suite au dépôt de complexes immuns dans les glomérules rénaux par exemple, entraînant une insuffisance rénale chronique et souvent fatale. Le syndrome inflammatoire peut aussi être secondaire, mais il n’est pas exclu qu’il puisse être le résultat direct de l’action de l’agent pathogène inconnu. On a invoqué l’action de certains virus ou autres microbes, de déterminants génétiques, mais en réalité on ne connaît pas chez l’homme la cause de la maladie. Chez l’animal, des maladies modèles ont pu être étudiées comme le syndrome auto-immun de la souris NZB imitant, dans une certaine mesure, le LED ou la maladie aléoutienne du vison, qui en est un autre modèle.

Étiologie et pathogénie

La variété des maladies et des syndromes regroupés sous le vocable de connectivites ou collagénoses est certainement due au fait que le tissu conjonctif est très différent selon les différents organes. La matrice intercellulaire change en effet de structure et de composition selon les tissus. Cette matrice est composée de quatre familles de macromolécules: les différents types de collagène, l’élastine, les protéoglycannes (anciennement mucopolysaccharides acides) et les glycoprotéines de structure. Dans chacune de ces quatre familles, on trouve un nombre variable de composants individuels (environ 8 types de collagène, au moins 8 types de protéoglycanne, au moins une douzaine de glycoprotéines de structure, dont la laminine et la fibronectine, etc.).

Au cours de la différenciation et de la morphogenèse, un nombre relativement restreint de ces macromolécules sera synthétisé dans chaque tissu. Ainsi, malgré leur apparence (parfois «homogène» ou «anhiste»), les tissus conjonctifs (ou la matrice intercellulaire) sont différents (dans la qualité et la quantité de leurs composants macromoléculaires) d’un tissu à l’autre et d’un organe à l’autre. Tous ces tissus mésenchymateux possèdent en commun une caractéristique: le maintien de leur état différencié dépend de la régulation (qualitative et quantitative) de la biosynthèse de ses composants macromoléculaires. Cette régulation peut être étudiée par l’incorporation de précurseurs radiomarqués dans les macromolécules constitutives. De telles études ont permis de mettre en évidence une dérégulation de la biosynthèse de plusieurs constituants macromoléculaires de la matrice intercellulaire dans les connectivites. De telles anomalies de biosynthèse pourraient être provoquées aussi par une variété de stimuli chimiques, immunologiques ou physiques. C’est pourquoi, W. Hauss a proposé de considérer cette «réaction mésenchymateuse non spécifique» comme le dénominateur commun des maladies du tissu conjonctif. Des anomalies de la multiplication cellulaire (cellules musculaires lisses artérielles) en culture ont aussi pu être démontrées.

Dans l’avenir, il conviendra de séparer les véritables maladies du collagène des autres syndromes. On connaît en effet une série hétérogène d’états pathologiques caractérisés par des anomalies de biosynthèse du collagène (ou des collagènes). De telles maladies sont les fibroses (ou scléroses) caractérisées par une sursynthèse du collagène (fibrose hépatique ou cirrhose, artériosclérose, fibrose pulmonaire), les anomalies qualitatives de synthèse du collagène comme les sept types de la maladie d’Ehlers-Danlos, l’ostéogenèse imparfaite et le diabète et le scorbut pour ne mentionner que les plus importantes. Les autres maladies mentionnées, les connectivites, sont encore moins bien comprises au niveau moléculaire et cellulaire, mais on peut espérer que dans un avenir relativement proche le rapport entre les phénomènes immunologiques, inflammatoires et les modifications de la matrice intercellulaire soit précisé.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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